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Préhistoire et histoire de la distillation

1 - Les premières gouttes

Préhistoire et histoire de la distillation : les procédés primitifs de distillation : le froid, la capillarité, la découverte de l’alcool, le premier alambic

 

Le ciel et la terre sont en toute logique, les premières sources de production de la distillation originelle et des premières gouttes. En effet, le premier alambic de l’univers, c’est l’univers lui-même. L’on peut affirmer en ce sens, qu’à travers l’art ou pratique de la distillation, l’homme chercher en réalité à imiter la création telle qu’elle se manifeste dans le monde. C’est donc logiquement que le premier appareil permettant de reproduire le cycle naturel fut un vase clos qui à défaut de contenir l’univers dans sa méga digestion cyclique, recèle au moins une matière ou un corps (à l’instar par exemple d’une résine) soumis à l’excitation d’un feu d’origine externe qui s’éclipse pour se condenser au mieux dans son propre jus et pour donner au final une quintessence qui surnage les résidus à l’image de l’arche sur les eaux du déluge.

 

D’autres instruments de distillation en terre du même genre ont été retrouvés dans la région de l’Indus (fouilles de Mohendjo Daro), en Mésopotamie, et à Tépé Gaura dans le Nord de l’Irak. Ces appareils dont l’existence remonte au troisième millénaire avant notre époque permettaient sans doute de distiller les huiles volatiles ou huiles essentielles. S’agissant particulièrement de l’alambic de Tépé Gaura, il est formé d’un vase de 37 L intégré d’une gouttière de type joint hydraulique favorisant certainement l’étanchéité du couvercle élevé qui jouait le rôle de condensateur.

 

Quelques siècles plus tard, un nouveau type d’alambic ultramoderne pour son temps verra le jour avec les progrès de la poterie. Du point de vue de ses caractéristiques, celui-ci contient un cône inversé pointant vers le bas et qui sert de chapiteau recouvrant un petit vase qui assurait la récupération des gouttes provenant du cône, tout ce processus s’opérant notamment à l’intérieur d’une cucurbite. Ce type d’alambic est encore utilisé de nos jours dans certains endroits de la terre : c’est le cas dans les montagnes du Tibet où le processus de distillation de l’alcool se fait à l’aide d’une poterie de ce genre…

 

Plus tard encore, particulièrement à la période où le monothéisme fait son apparition, et traînant avec lui une nouvelle conception du monde, l’homme va imaginer une nouvelle sortie du distillat à l’extérieur dont le cône tourné pointe vers le haut. L’usage de ce type d’alambic est encore d’actualité aujourd’hui, en particulier dans le Magreb où l’on s’en sert pour distiller des eaux de fleurs d’oranger ou de rose. Certaines personnes l’utilisent même à domicile pour les hydrolats. Aujourd’hui, tous ces alambics populaires sont encore fabriqués, mais en métal galvanisé ou en cuivre.

 

Cependant, avant d’aller un peu plus loin dans l’histoire de la fabrication des parfums et des huiles en Orient, faisons un petit détour en arrière pour étudier un autre fait qui constitue un tournant majeur dans l’histoire même de l’humanité : il s’agit de la découverte de l’alcool.

 

La thèse du développement simultané de l’alcool (les boissons fermentées) et de la civilisation est proposée par Raymond Dumay dans son Guide des alcools. De l’avis de cet auteur, l’alcool est le plus vieux compagnon de l’homme, le témoin de tous ses états un peu comme l’omniprésence de l’amour et du silence qui l’entoure.

 

La découverte de l’alcool par l’homme remonte d’abord probablement à l’automne avec la consommation des fruits fermentés… Après, avec l’arrivé de l’hiver, celui-ci va se contenter des quelques gouttes coulant encore des fruits gelés, liquide concentrant l’alcool grâce à sa capacité de résistance au gel, sachant que l’alcool pur subi le gèle à moins de 700 C.

 

Ce souvenir de l’alcool obtenu par congélation, on le situe encore au Canada avec l’Apple Jack. Le processus d’obtention ici étant relativement simple : du cidre est mis à geler dehors durant toute la nuit pour après être décongelé le matin. Le premier liquide qui s’écoule des bouteilles est un alcool plus ou moins très concentré avec la particularité d’être cru…

 

Il m’est arrivé d’expérimenter cette technique dans un cadre spagirique avec du vin, et même du vinaigre : j’ai alors remarqué que du vin à 12° peut monter jusqu’à 30° après la première congélation.

 

Cité notamment par Pline au 1er siècle de notre ère, et par Rabelais Gargantua, la capillarité est une autre technique de distillation très primitive qui mérite qu’on y apporte aussi quelque précision. Selon ce procédé, comme la distillation de l’essence de térébenthine dans des flocons de laine citée par Pline, l’alcool se séparerait de l’eau en montant plus rapidement que celle-ci dans le tissu afin de goûter concentré à l’intérieur d’un vase disposé à une hauteur supérieure à celle du récipient de départ. Il s’agit d’une méthode très économique qui en plus, ne nécessite pas des efforts énormes. Je regrette seulement que jusqu’ici, mes expériences personnelles n’aient jamais véritablement porté de fruits.

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